Luc Chomarat, Le Fils du professeur
Roman
272 pages
a paru le 19 août 2021
ISBN 978-2-3588-7774-9
Luc Chomarat

Le Fils du professeur

Roman
272 pages a paru le 19 août 2021 ISBN 978-2-3588-7774-9
Roman
272 pages a paru le 19 août 2021 ISBN 978-2-3588-7774-9

« Mes parents, j’avais l’impression de les connaître comme si je les avais faits. Cette jeune femme très Nouvelle Vague, cinquante de tour de taille, des dents blanches et bien alignées, grande douceur un peu triste, c’était ma maman. L’autre, si grand que la plupart du temps je ne savais pas trop à quoi il ressemblait là-haut, une voix qui descendait d’entre les nuages, c’était le professeur. Mon papa. » Dans cette petite famille se joue l’éternelle aventure de l’enfance. Il y a les combats acharnés contre les copains cow-boys, les stratagèmes habiles pour trouver sa place dans la cour de récré, les questionnements existentiels et la fascination pour les femmes si indéchiffrables. Et pendant ce temps, d’autres luttent pour la liberté, tuent des présidents, marchent sur la lune, mènent une guerre froide...

Des souvenirs vagues de la maternelle aux élans de l’adolescence, Luc Chomarat nous invite à redécouvrir un monde empli de mystères et peuplé d’amis imaginaires. De sa plume impertinente et pleine d’esprit, il propose de cheminer à hauteur d’enfant sur la route faite de rêves et de défis qui mène à l’âge adulte.

  • Luc Chomarat a publié à 22 ans son premier roman qui lui a valu de figurer sur la liste du Magazine littéraire des auteurs les plus prometteurs. Il s’illustre d’abord dans la littérature noire et reçoit le Grand Prix de littérature policière en 2016. Il a publié quatre romans à La Manufacture.
    • Luc Chomarat, Le Livre de la rentrée
    • Luc Chomarat, L'Espion qui venait du livre
    • Luc Chomarat, Le Dernier Thriller norvégien
    • Luc Chomarat, Le Polar de l'été
  • Revue de presse
    La forte légèreté des propos, avec la vraie profondeur des interrogations du gamin, le regard décalé ; tout concourt à faire de ce roman, de ce récit, un pur moment de plaisir.
    Un petit bonbon, une petite douceur de la rentrée littéraire.Chronique littéraire, à partir de 5:08
    "C’est joli de revenir sur ces détails de l’enfance, qui semblent être des détails mais on ne se souvient pas de tout, et c’est ça qui est intéressant : c’est à hauteur d’enfant que vous écrivez ce roman." Écoutez l’intégralité de cette interview de Luc Chomarat à partir de la minute 40.
    Il est toujours difficile d’écrire sur ce "presque rien", qui est pourtant l’essence même de nos existences, sur la volatilité des sentiments, sur le temps qui passe et sur cette insatisfaction qui, parfois, nous mine. Luc Chomarat, dans ce roman, y parvient avec maestria.
    Un texte universel, véritable rayon de soleil dans cette rentrée.
    Un portrait très réussi de ce qu’est être un enfant, un pré-ado, un ado. Une vraie madeleine de Proust ! Un roman ensoleillé. C’est beau la littérature quand c’est comme ça !
    Derrière la simplicité des anecdotes se cachent une élégance sans afféterie et un humour qui évite la nostalgie facile, mais laisse une petite boule d’émotion dans la gorge.
    Il fait surtout parler son petit personnage sans aucune fausse note et ce roman plein de drôleries, teinté de douce nostalgie, sonne juste.
    Comment être choisi parmi les premiers dans l’équipe de foot ? Et, surtout, comment embrasser ? C’est délicat, tendre et le lecteur se dit que, oui, être enfant, c’est, souvent, un bonheur simple.
    Le talent avec lequel il retranscrit une époque pourrait faire du Fils du professeur un roman générationnel. Il n’est pourtant pas moins conseillé de le lire si on ignore ce que sont les Hush Puppies : il capte aussi les aspects universels du passage du temps avec une acuité poignante.
    Dehors, le monde bouge. Des hommes marchent sur la lune, la guerre du Vietnam se termine, les Verts de l’AS Saint-Etienne courent d’exploits en exploits.
    Luc Chomarat était jusqu’à présent surtout connu pour ses polars ludiques et décalés. On retrouve ce ton dans ce roman au thème universel, si proche de chacun d’entre nous. Découvrez ici l’intégralité de cette chronique
    Avec le vocabulaire, les yeux, les oreilles et les raisonnements d’un gamin, le narrateur se souvient.
    De la magie de l’enfance aux désordres de l’adolescence, c’est une jolie chronique de la France des années 60/70, un roman tendre et nostalgique, comme une parenthèse enchantée dans
    cette rentrée littéraire aux thématiques plutôt sombres.
  • Un livre qui m’a touché droit au cœur !
    Une perle d’enfance, de nostalgie, de douceur. Une tendre parenthèse adolescente qui réchauffe.
    Le temps d’un livre nous redevenons cet enfant insouciant et rêveur, empli de doutes et de questionnements.
    Quelle pépite ce livre ! On a à peu près 20 ans d’écart avec le narrateur. Et pourtant, pas une page où je ne me suis dit "j’ai pensé ça, j’ai vécu ça"… Un gros coup de cœur.
    Un roman empli d’émotions qui vous plongera dans la France des années 60-70. Ce récit initiatique singulier est aussi l’histoire d’un combat contre la solitude qui naît de la différence. Subtile, drôle, prenante, cette lecture vous surprendra jusqu’à la dernière ligne ! 
    C’est les paroles d’un enfant qui livre son quotidien entre humour, nostalgie, recherche de l’amour envers son père.
    Un livre où chaque page est une émotion ! 
    Un voyage délicieux au coeur des années 60, mignon comme un doudou et qui va vous dorloter avec des plats entiers de madeleines de Proust ! Le petit bonbon à savourer sans attendre ! Adorable comme Forest Gump !
    Un roman lumineux sur l’enfance et l’adolescence, dans la rance des années 60-70. À hauteur d’enfant , on suit le quotidien, l’école, les cowboys et les indiens, l’envie d’être reconnu, les remiers émois... de ce gamin. La plus est juste, l’humour parfois grinçant, on savoure ce livre comme un bon carambar. 
    Ce roman est une formidable madeleine de Proust pour celles et ceux qui ont conduit des mobs, écouté du rock, tombé amoureux, joué au flipper en sortant du lycée, roulé en 2CV ... un régal ! Un roman qui fait du bien 
    Ce roman, c’est comme un gros bonbon pétillant que l’on mâchouille inlassablement pour en prolonger le plaisir et la magie, celui d’un moment que l’on aimerait bien plus long. C’est drôle, c’est tendre et ça pique !
    Un enfant attendrissant en perpétuel décalage avec les autres et sa famille. Rêveur, il le restera jusqu’à son adloescence. C’est la France des années 60-70 que Luc Chomarat dépeint avec justesse d’une plume enjouée, un véritable plaisir de lecture. Ne passez pas à coté de ce bijou !
    Le parfum nostalgique de l’enfance imprègne ce joli roman de Luc Chomarat. L’auteur fouille dans ses souvenirs de jeune garçon, nous invite à partager sa vision si particulière du monde. Un doux et chaleureux moment de lecture.
    On a la sensation permanente d’être sur le fil très fin qui sépare la réalité de l’imaginaire, on lâche prise avec le réel pour retomber en enfance, avec, en écho, toutes les questions que nous nous posions également et auxquelles, même aujourd’hui, nous n’avons pas forcément trouvé les réponses. Authenticité, malice, tendresse et humour !
  • 1 Pénicilline

    Quand j’étais enfant je trouvais tout normal. Ma mère m’enfermait régulièrement dans la cave, dans le noir complet. Je trouvais ça normal.

    La cave était située sur le palier. Chaque appartement disposait de ce petit réduit où l’on pouvait caser tout ce qui encombrait, les balais, le seau, la serpillère, et moi. Au début des années soixante j’étais une petite chose à peine débarquée, mais j’étais tellement furieux que je donnais des coups de pied dans la porte pendant des heures, ou ce qui me semblait des heures, hurlant et trépignant et crachant des larmes de rage. Puis après j’avais peur, je m’asseyais dans un coin, silencieux comme les ombres, guettant son pas à l’extérieur. Peut-être qu’elle allait me laisser là pour toujours ? On ne sait jamais avec les femmes.

    Quand je dis que je trouvais ça normal, c’est tout simplement que je n’avais aucun moyen de comparer. Je ne savais pas comment ça se passait pour les autres enfants. On ne parlait pas de ça, à l’école. Car j’allais à l’école, depuis quelque temps. Un jour j’étais sorti de la cour très fier et j’avais annoncé : «J’ai un copain il s’appelle idiot.»

    Pour une raison aujourd’hui obscure, je considérais ça comme un titre de gloire. Ça et le fait qu’il savait Le Fils du professeur_06.indd 11 15/04/2021 13:56Le fils du professeur 12 siffler. Il savait siffler, je ne blague pas. Pourtant lui aussi était haut comme un champignon. Ma mère se livra à une rapide enquête, et il s’avéra que mon copain s’appelait en fait Irridio, comme son père qui était italien. Ce fut une première défaite contre la réalité.

    Après, j’ai étouffé. Les parois du cou se sont resserrées au milieu de la nuit, une nuit chaude et sèche. Étouffer, j’avais l’habitude. J’étais arrivé sur terre avec une double circulaire du cordon. La double circulaire du cordon laisse des traces: le désir de vivre, d’aller vers la lumière, entraîne la suffocation et la mort possible. Plus on va vers l’air libre, plus on meurt. Les enfants sont décidément une cause de souci.

    On étouffait de toute façon, je suppose. Les grands ensembles, comme on les appelait à l’époque, étaient une nouveauté. Enfin, c’est à la télé qu’on parlait de grands ensembles. Maman disait: «la maison», mais la plupart des gens parlaient de cages à lapins. Je croyais que ça avait quelque chose à voir avec le fait que j’étais son petit lapin. Mais ce n’était pas la vraie raison. Avant, personne n’avait pensé à entasser autant d’êtres humains dans des espaces aussi étriqués, sauf peut-être quand on les mettait en prison. Si par exemple ils avaient tué leur femme, ou volé l’argent des impôts.

    C’était un minuscule deux-pièces, mes parents avaient casé là le peu qu’ils avaient rapporté d’Algérie, les deux fauteuils en osier, les paniers kabyles et la table basse, kabyle elle aussi, et moi aussi il avait fallu me caser là. Moi aussi je viens d’Algérie.

    J’aimais ma maison, ma cage à lapins, mais l’air devait être chaud et sec et le plafond à portée de main, et les parois du cou se sont resserrées dans la nuit chaude.

    Mon père m’a enroulé dans une couverture. Les voilà en train de courir sur le parking de l’immeuble. Il faisait nuit, le ciel était noir comme un puits, partout autour de nous, on aurait dit qu’il dévorait les maisons. Je n’avais jamais vu ça, normalement je n’avais pas le droit d’être dehors à cette heure-là.

    Je suis maintenant dans les bras de ma mère. La 2CV toute neuve a démarré tout de suite. Je me souviens de la beauté sidérante des néons de couleur qui défilaient derrière la vitre. J’ai dû perdre connaissance. Tout de suite après je regarde mon petit corps potelé, assis en couche sur la table d’examen, comme si je le voyais du dehors, et je sens ma respiration qui se calme comme après un gros chagrin. Les doigts froids du docteur sur ma peau. Je n’avais même pas senti la piqûre.

    L’infirmière qui fut chargée de m’injecter régulièrement de la pénicilline, le mardi après l’école je crois, était d’origine italienne, comme Irridio, mon copain qui savait siffler. Mme Buzzi. C’était une femme courte et large, une sorte de cube qui éjectait ma mère de la pièce avec autorité. Les injections de pénicilline sont désagréables, à cause de l’épaisseur du liquide. Mme Buzzi, qui avait de grosses mains d’ours et détestait les enfants, faisait son possible pour que ce soit douloureux. Ça faisait un mal de chien, je n’ai pas peur de le dire.

    Ensuite, se produisait le miracle. Mme Buzzi disparaissait avec sa mallette, et ma mère, une jeune femme toute fraîche, presque une enfant, apparaissait à la porte de ma chambre avec la petite voiture qu’elle m’avait promise.

    – T’y es déjà allée ?

    – Oui.

    – Et t’es déjà revenue ?

    Elle éclatait de rire devant ma bouille interdite, mes larmes oubliées qui séchaient déjà.

    – Oui.

    Une Jaguar type E. Je me souviens encore du jour de la Jaguar type E (elle ne choisissait pas toujours aussi bien).

    – Une Jaguar, une Jaguar rouge !

    Voilà probablement ce qu’éprouvent les hommes qui s’offrent enfin le véhicule de leurs rêves. Mais bien sûr, ce ne sera plus jamais un événement d’une telle ampleur. La dame de vos pensées vous offrant une Jaguar type E alors que vous venez de traverser une terrible épreuve. Ce ne sera plus jamais aussi intense.

    Ma stupéfaction, bien sûr, ajoutait au plaisir. Car je savais très bien d’où venait la petite voiture. C’était une Matchbox, et les Matchbox on les trouvait uniquement à la maison de la presse, sur la colline en face quand ça remonte après l’école. Autant dire qu’elle avait volé jusque-là, je veux dire volé comme une sorcière, avec des ailes, un balai, quelque chose de pas normal. Personne au monde ne pouvait faire l’aller-retour à la maison de la presse, à huit cents mètres de là, sans parler de descendre et remonter les dix étages, en quelques secondes à peine.

    Je n’ai jamais compris qu’elle avait acheté ma voiture le matin même, pendant que j’étais à l’école. Je n’ai jamais imaginé qu’elle pouvait anticiper cette séance de torture avec l’ignoble Mme Buzzi, quand j’en étais incapable. Pour donner une idée de ma naïveté à l’époque, la vision de ma mère se téléportant comme ils font dans Star Trek, ou traversant huit cents mètres de ciel le plus naturellement du monde, façon Silver Surfer, ça me semblait moins dingue, plus acceptable, que le fait qu’elle savait très bien que Mme Buzzi allait se pointer avec sa mallette et qu’elle n’avait rien fait pour empêcher ça, ou pour assurer notre fuite. Enfin, si, j’ai fini par comprendre. Mais il était tard, il était vraiment très tard, beaucoup plus tard dans ma vie et trop tard pour m’en remettre : ma mère était une magicienne.

    Par ailleurs, elle savait que Zorro et Don Diego de la Vega étaient une seule et même personne. Comment elle avait compris ça, mystère. J’étais très sceptique, au début. Je fronçais les sourcils, sans quitter la télé des yeux.

    – Mais ça peut pas être lui, Zorro, puisqu’il parle de Zorro.

    – Oui, il parle de Zorro (elle avait toujours ce sourire enjôleur et sans réplique, je voyais bien qu’elle en savait long), mais je crois quand même que c’est lui, Zorro.

    Évidemment la suite devait lui donner raison. Zorro et Don Diego de la Vega étaient bien une seule et même personne. Elle pouvait voir des choses qui échappaient au commun des mortels. Qui échappaient au sergent Garcia. Qui m’échappaient à moi.

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