Marc Villard, Terre promise
Novella
144 pages
a paru le 7 novembre 2019
ISBN 978-2-3588-7562-2
Marc Villard

Terre promise

Novella
144 pages a paru le 7 novembre 2019 ISBN 978-2-3588-7562-2
Novella
144 pages a paru le 7 novembre 2019 ISBN 978-2-3588-7562-2

Ils ont dix-sept ans et pas grand-chose de plus. Jeremy n’a jamais eu de papiers, il est né en France, sur le matelas d’un squat de migrants et a vécu en marge de tout. Esther a eu une famille dans l’Est, mais a fui loin de sa violence et de sa morosité. Ils sont ensemble parfois, parce qu’ils se ressemblent.
On leur apprend qu’en passant la frontière avec des capsules de drogue dans le ventre, ils pourront gagner de quoi vivre un peu mieux. De l’argent facile. Rien ne peut leur arriver. Rien de bien grave. Rien de pire. Alors, est-ce qu’il faut tenter sa chance vers la terre promise ?

  • Marc Villard, né à Versailles, a publié 500 nouvelles et 16 romans. Il dirige la collection Polaroïd qui a édité des novellas de Marcus Malte, Marin Ledun, Carlos Salem... Trois de ses livres ont été adaptés en BD par Chauzy et Peyraud : Rouge est ma couleur, La guitare de Bo Diddley et Bird. La cinéaste Dominique Cabrera a réalisé un film d’après son texte Quand la ville mord. Il est lui-même scénariste du film Neige de Juliet Berto.
  • Ce court texte de 125 pages se consume ventre à terre et calcine tout sur son passage. 
    Si vous voulez un grand roman social contemporain, le tout en moins de 130 pages, lisez Terre promise ! Vous ne mesurez pas à quel point c’est actuel.
    125 pages et tout est dit. Ca va à toute allure une vie de paumé et les mots de l’écrivain sont à l’unisson. Court et très noir mais un noir lumineux, à la Soulages.
  • téléchargez l’extrait

    J’ai laissé ma jeunesse en consigne un soir d’été en gare de Lyon

    Le billet sans retour collé sur ma valise

    Franck Venaille

    Première partie

    Martin, le plus jeune des deux policiers, tire sur les fils de son casque audio. Il en a marre de Julien Doré. Son coéquipier se nomme Poulain, comme le chocolat. Concernant la couleur, ils sont tous les deux blancs et européens. C’est une erreur quand on s’apprête à serrer Farid Berchiche, un Maghrébin de 30 ans qui transite par l’hôtel Nadir, rue de la Charbonnière à Barbès. Car ceux qui vivotent dans les lieux sont pour la plupart africains. Les deux hommes hésitent à sortir de leur voiture de fonction garée à 30 mètres de l’hôtel, pratiquement à l’intersection avec la rue de Chartres.

    • Je le sens pas, l’enfoiré de Farid, dit Poulain.
    • On dit à Serner qu’il n’était pas là. On a planqué cinq heures mais le mec s’est pas montré.
    • J’hésite. Serner est capable de me baiser pour ma mutation à Rennes.
    • J’avais oublié ton plan de carrière.

    Poulain ne répond rien. La façade est pisseuse, les passants sont issus de l’immigration. Trois étages. Le fugitif peut s’arracher par le toit. La couverture en zinc est glissante. Quel souk.

    • On y va relax, sans annoncer la couleur, dit Poulain.
    • Comme les Témoins de Jéhovah ?
    • Je t’emmerde. Ferme la caisse.

    Poulain va sur ses 45 ans. Il a la tête de Goebbels et ressemble terriblement à un policier. C’est d’ailleurs ce que pense le guetteur de Farid qui l’aperçoit par la fenêtre du palier, situé au premier étage du Nadir. Le gamin file dans l’escalier. Les marches, les murs humides, chop, chop, la porte 31.

    • Farid, c’est Chouchou, dit-il.
    • Ouais, quoi ?
    • Les keufs, mon frère.

    La porte s’ouvre à la volée sur un Tunisien de 30 ans, survêt gris et torse nu. Une fille Black bouge dans son dos. Il passe la tête dans le couloir.

    • Où ils sont ?
    • Ils viennent d’entrer dans l’hôtel.
    • OK, planque-toi.

    Pendant que Chouchou, un guetteur du deal qui fait des extras pour le Nadir, se carapate, Rachid réapparaît, vêtu d’un blouson matelassé, un sac de sport dans la main gauche. Celui-ci contient les bijoux du magasin de la place Blanche, braqué voici deux jours. Dans la droite, le truand serre un Glock à 9 coups qui se soulève à l’apparition de Poulain au bout du couloir.

    • Simone, sors de la piaule, hurle Rachid.

    La prostituée camerounaise s’exécute, entièrement nue, et rampe au sol dans une tentative de fuite en brasse coulée. Rachid tire trois balles vers le policier mais la réplique est nourrie. Il prend un journal qui traîne sur le linoléum, sort son Zippo et lance sa torche en direction d’un paillasson à l’abandon. De suite, la corde s’enflamme et le plancher prend la suite. Rachid recule au fond du couloir, invisible mais coincé. Le vasistas.

    • Simone, aide-moi à grimper.
    • Putain, Rachid.
    • Vite.

    Jeremy quitte le bar de la Soummam, rue Christiani. Il est 21 heures, ce 25 février, et il vient de conclure une vente sur le site Black President. Il s’agit de la page 12 d’un recueil inédit et manuscrit de Fela Kuti. La chanson s’intitule The Price You Got to Pay to Be Free.Jeremy connaît le prix à payer. Donna, sa mère, le lui a expliqué en long, en large et en travers. Comment elle a quitté le Nigéria et, surtout Fela, dans les transes du sida, zigzaguant tel un reptile fou sur les ruines de Kalakuta, son repaire libertaire. Comment elle a ramé dans les poubelles du vieux monde pour trouver une place où survivre.

    Jeremy a 17 ans et il rejoint l’hôtel Nadir, à Barbès. Il serre contre lui son Mac récupéré au cul du camion. Sa vie est là, sur le site. Il avance dans la nuit naissante et repousse les premiers vendeurs de shit, de cigarettes américaines, de petites filles avec des nattes, de poignards de survie. Bref, il est tard, il est fatigué. Le trottoir louvoie comme le pont d’un vieux chalutier, des cris trouent l’obscurité, la voix de Fela grimpe dans son dos.

    Le métro aérien plonge dans la nuit métallique, brinquebale entre les tubulures posées pour un ravalement. Au croisement avec le boulevard Barbès, un Roumain aux yeux rouges crache vers le ciel l’alcool qu’il cachait dans sa bouche et qui s’embrase sous la flamme. Plus loin, cinq vieillards portant un macaron de la CGT avancent vers le métro. Les deux femmes du groupe serrent contre leurs poitrines des cabas maigres à l’usure émouvante. Maintenant, Jeremy tend l’oreille vers la sirène d’un camion de pompiers.

    Devant la boutique de paraboles et de déblocage, il tombe nez à nez avec Mosquito, son banquier. Façon de parler. L’homme a 23 ans et il porte un costume prince de galles taché. C’est un Nigérian mais vraiment né au Nigéria, contrairement à Jeremy.

    • Tu me cherchais ? dit-il.
    • Non, j’écrivais à un client dans un bar, rue Christiani.
    • J’ai 200 pour toi, moins ma comm’.
    • Super. J’essaie de vendre The Price You Got to Pay to Be Free, il a l’air d’intéresser des clients. J’ai voulu le traduire, pour voir, mais j’en bave.
    • Je croyais que ta mère te parlait en anglais quand t’étais gosse.
    • C’est vrai mais quand ça devient compliqué, il me manque des mots.

    Il s’interrompt car une jeune Black le contourne, conduisant une poussette à trois places occupées par des fillettes africaines vêtues en blanc des pieds à la tête. En relevant les yeux, il note une agitation en haut de la rue de la Charbonnière.

    • Ils font quoi, là-haut ?
    • Sais pas. Reste cool, n’oublie pas que tu n’as aucun faf.

    C’est en fait le problème majeur de Jeremy. Quand Donna, sa mère, décida de vivre en France après avoir quitté Fela Kuti dans la fange de Lagos, elle zigzagua dans Paris, passant des bras de l’un à l’autre, d’un squat à l’autre. L’homme qui partageait sa vie au début du siècle se nommait Moktar. Un soir d’allégresse, il oublia le préservatif et Jeremy naissait neuf mois plus tard. Moktar était parti depuis longtemps quand la naissance eut lieu dans un squat à Montreuil. Donna fut accouchée par un staff international : une Rwandaise du sud-Kivu et une Sénégalaise. Toutes les trois sans-papiers. Donc, Jeremy n’existe pas. C’est bien pour les impôts mais fâcheux dans les rafles policières. Pour ses 15 ans, elle lui confia les deux manuscrits de chansons volés à son auteur, Fela Kuti. Et là, le gamin eut l’idée de mettre en vente les inédits du Black President sur Internet. Un par un. Les collectionneurs habitent indifféremment à New York, Stockholm ou Tombouctou. Pour les paiements, c’est Mosquito qui s’en occupe. Il a tout le matos : des papiers en règle, un compte en banque et son casier judiciaire est toujours vierge.

    Jeremy et lui se sont connus au cours d’un match de foot dans le square Léon. À la fin du match, Mosquito lui avait demandé quel était son lycée et de fil en aiguille, Jeremy avait évoqué son projet de vente sur Internet. La conversation avait pris un tour bizarre.

    • Tu as vu le film sur Fela Kuti ? disait Mosquito.
    • Non.
    • Il passe au MK2 Beaubourg, tu vois où c’est ?
    • À Barbès.
    • Non, à Beaubourg.
    • Je ne connais que Barbès.
    • Quoi ? Tu n’es jamais sorti du quartier ?
    • C’est à cause des papiers. Si je me fais gauler, je suis mort.
    • T’es dingue. Les flics ramassent les types dans le métro mais dans la rue si tu merdes pas, tu ne crains rien. Écoute, il est 16 heures, on peut essayer la prochaine séance.
    • Je ne sais pas. Ma mère…
    • Ta mère est sympa mais c’est une pute, Jeremy. Viens, on va voir ce film.

    À 12 ans passés, Jeremy découvrit donc Paris et notamment le centre Pompidou, situé en face du cinéma. Ce cargo illuminé avec ses cheminées et ses jongleurs unijambistes, sur la piazza, le laissèrent pantois. Il se délecta du film consacré à Fela et, depuis ce jour, le jeune Black traverse Paris comme ça lui prend mais Donna n’en sait rien.

    Ce qu’elle ne sait pas non plus, c’est qu’aujourd’hui 25 février, elle devrait se réveiller car les flammes lèchent déjà la porte de son taudis situé au deuxième étage du Nadir. Le gros Marocain allongé à ses côtés dort comme un loir, lui aussi. Ils se sont remués en cadence et le shit a fait le reste. Dans les couloirs de l’hôtel, des Africains hagards et terrifiés courent pour échapper aux flammes, ouvrent les fenêtres sur rue, commençant à prier un dieu dont le nom n’est pas le même en fonction des étages.

    Au moment où Farid tente un rétablissement sur le toit, une balle perdue se plante entre les yeux de Simone.

    • Je peux demander autour de moi pour les faire traduire, dit Mosquito.
    • Non, laisse, c’est juste par curiosité. Ce qui compte, c’est le manuscrit en anglais.

    À ce moment, un camion de pompiers pénètre, sirène au vent, dans la rue qui serpente jusqu’aux voies ferrées.

    • Je vais voir, quand même. Ma mère est à l’hôtel, dit Jeremy.
    • OK. Passe au Mistral Gagnant demain, je t’apporterai la thune.

    Jeremy approuve du menton et commence à marcher vers le Nadir qui disparaît au centre d’un monôme de badauds et de voitures garées n’importe comment. Il se prend à trottiner, la gorge serrée à suffoquer. Maman, sors de cet hôtel de merde. C’est un mantra. Loin derrière, monte la voix de Fela.

    Jeremy se colle à un mur derrière quarante badauds qui crient aux mecs du deuxième étage de ne pas sauter. Aussitôt, l’un d’eux s‘écrase comme du guano sur le toit d’une Twingo noire. Deux femmes en boubou entrent en transe, les flics en tenue arrivent en hurlant, les pompiers ne peuvent pas travailler, le bordel est grandiose. Maman, sors de là. Le Nigérian n’ose approcher, trop de flics, trop de lumières. Quelques silhouettes égarées jaillissent par la porte d’entrée. Une ambulance couine, deux infirmiers Blacks en sortent et se portent vers les blessés qui titubent sur le trottoir.

    Au dernier étage, Martin, soulevé par Poulain, se rétablit sur le zinc mouillé. Une balle siffle à ses oreilles. Le policier roule sur lui-même et se colle à une cheminée. Il pense aux employées de la bijouterie tuées froidement par Rachid. Et quand l’ombre du truand se découpe sur le ciel jaune, il ne fait aucune sommation et plante deux balles précises dans le corps du braqueur.

    Sur le trottoir, les infirmiers évacuent des corps inanimés sur des civières. Jeremy se fond dans la masse. Il aperçoit Mama Kali au premier rang des badauds. La prostituée est une vieille copine de sa mère et pense, elle aussi, à son amie cernée dans les étages par l’oxyde de carbone dévastateur. À gauche de la porte, un clochard porte un jean rouge et son tee-shirt arbore le visage émerveillé de Marilyn Monroe. Il ramasse un mégot de cigarette et se le plante dans le bec. Dans le même temps, une civière apparaît dans l’entrée et Jeremy repère les pieds nus de sa mère reconnaissables aux trois bagues d’étain gravé glissées autour de son orteil gauche. Mama Kali n’est pas en reste et se penche vers l’infirmier, indiquant le corps sous la couverture. Le Black lui serre l’épaule et secoue la tête de gauche à droite. Elle se détourne, masquée. Redressant le visage, elle voit Jeremy à cinq mètres. D’un geste de l’index, elle lui fait « non ». Le gamin recule, se fond dans l’anonymat. Il attend de dépasser l’attroupement et laisse les pleurs rouler sur ses joues maigres.

    Puis il glisse lentement vers la rue de Jessaint, prend plus loin la rue Stephenson et s’accoude à un bout de grillage, au-dessus des voies qui jaillissent de la gare du Nord. Dans son dos, trois sans-abri ont allumé un brasero et se chauffent autour en buvant du vin rouge. Jeremy contemple sans le voir un RER qui serpente à ses pieds et prend la direction d’Aulnay. Les années dures avec Donna lui reviennent en mémoire mais sa douleur est vive. Il est seul maintenant, et personne ne regardera passer les trains avec lui dans le brouillard du petit matin. Il se détourne du réseau ferroviaire, remonte la rue Stephenson et bifurque à droite de l’église Saint-Bernard. Devant un bar de nuit, une tenancière s’est maquillé les lèvres à l’aide d’un rouge flamboyant. Elle pèse dans les cent kilos et sa poitrine évoque un meuble, sans rapport avec le reste de son corps. Il passe son chemin vers le square Léon encore ouvert. Des ados se meuvent dans la pénombre, poussant devant eux un ballon siglé Ronaldo. Ils retiennent leurs cris mais soufflent bruyamment. Puis il avance dans les rues de Barbès, opérant un large détour qui lui permet d’éviter la rue de la Charbonnière. Revenu à l’extrémité de la rue de Jessaint, il pénètre dans le square de petite dimension. Deux SDF ont installé une tente Quechua au fond, derrière les bancs, et fument en agitant des bouteilles vides. Jeremy s’allonge, malgré le froid, sur un siège solitaire. Il remonte le zip de son blouson en plumes, ferme les yeux et fait semblant de dormir.

    À 5 heures, frigorifié, il se lève et commence à marcher sans but sinon celui de se réchauffer. Il passe devant le Zodiac, fermé. Enfin, il se décide à traverser Barbès pour rejoindre le métro du même nom. Ici, les bars ouvrent tôt. Il en trouve un franchement marécageux mais c’est le froid qui commande. Il entre, s’assoit le plus loin possible de la porte et réclame un expresso et une tartine. Il tire le Mac de sous son blouson et vérifie que l’objet fonctionne. Rassuré, il jette un coup d’œil sur la boîte mail du site et ne découvre qu’un seul message.

    Vous n’avez pas posté la page de The Price You Got to Pay to Be Free. C’est toujours 200 euros ? octopussy@gmail.com

    J’avais des problèmes personnels, comme on dit. Je mets la page en ligne demain. Oui, le prix est de 200.

    Il reste ensuite, catatonique, derrière sa tasse de café qu’il fait suivre d’une seconde. Le carrefour s’allume, les vendeurs de cigarettes s’installent peu à peu. Le métro ferraille sur le pont aérien, les sans-abri jaillissent de nulle part, traînant derrière eux de lourdes poussettes, les femmes de ménage africaines rentrent du boulot et se préparent à commencer leur second job de la journée. À 7 heures, il s’ébroue et gagne, le dos rond, le Mistral Gagnant situé près de Saint_Bernard. Mosquito n’est pas encore arrivé. Jeremy fait signe au jeune garçon de café.

    • Salut Samir, je cherche une piaule pas chère. Tu aurais une idée ?
    • Tout de suite, non. On m’a dit pour ta mère, c’est l’horreur. Tu étais sur place ?
    • Non, je suis revenu vers l’hôtel quand j’ai entendu les sirènes de pompiers. Tu sais comment ça s’est passé ?
    • Un truand qui essayait d’échapper aux flics a mis le feu et s’est tiré par les toits. Finalement, il s’est fait buter.

    Jeremy approuve du menton. Il a du mal à se considérer comme orphelin mais il comprend enfin qu’il va devoir dire adieu à Donna. Les flics, le cimetière, tout ça. Il se penche à droite du bar et branche le fil lui permettant de recharger l’ordi. À ce moment précis, Mosquito entre dans l’établissement et vient le rejoindre. Mosquito n’est pas grand, d’où son surnom. Aujourd’hui, il porte une canadienne de bûcheron et un bonnet noir en laine. Il fait un signe à Samir et commande un chocolat.

    • On vient de me dire pour Donna, je suis triste pour toi, Jeremy.
    • Elle a dû être asphyxiée.
    • Tu habitais à l’hôtel ?
    • Oui, je dois me trouver une piaule. Heureusement que je peux me faire de la thune avec le site.
    • Tu devrais en parler à Mama Kali, parfois ils ont des places au squat.
    • Je vais faire comme ça. J’ai un message pour le morceau de Fela : un client kiffe le titre, manifestement, et attend l’image.
    • C’est pas moi qui peux t’aider. Tu as pu sauver ton scanner ?
    • Non, il a brûlé dans l’hôtel mais Tintin me fera les scans gratos. Tu as les 200 euros ?
    • 180, n’oublie pas ma comm’.
    • Oui, oui.

    Mosquito tend discrètement à Jeremy l’argent qu’il lui doit. Autour du bar, les clients qui travaillent commencent à s’installer au zinc. Une gamine fait la roue sur le trottoir, à droite. Sa petite culotte bleu marine tire l’œil mais les Maghrébins qui somnolent à la terrasse du Mistral Gagnant ne lèvent même pas un cil. Le patron a conservé le juke-box au fond du bistrot et trois nostalgiques du Paris des fortifs sont accrochés au néon, dodelinant de la tête à l’écoute d’une rengaine d’Édith Piaf. Jeremy et Mosquito vont pour payer au bar et découvrent un homme allongé sur une table avec un message à trois centimètres de sa tête endormie : « Il me faut 100 euros pour baiser. Posez le fric mais faites pas chier. »

    • Je vais passer au squat maintenant, on est pratiquement devant, dit Jeremy.
    • OK. Je tiens le pressing de Théo pendant trois heures, de quoi me faire un petit billet.
    • Je peux te donner plus sur la vente des chansons.
    • Non, non, tu vas avoir besoin de fric, maintenant que tu es seul. Je vais me débrouiller. Tiens-moi au courant pour Mama Kali.

    Jeremy approuve d’un clin d’œil et s’agenouille pour récupérer l’ordi. Puis il traverse la rue Stephenson et la rue Jean-François-Lépine qui commence sur la terre ferme et continue sur le pont métallique tendu au-dessus des voies. Le squat est situé à gauche, surplombant le faisceau de rails, dans un immeuble d’apparence bourgeoise à l’extérieur mais bouffé par l’insalubrité galopante en dedans. Trois gosses d’origine africaine jouent dans la cour, poussant devant eux un ballon fatigué. À l’entrée, un Black de 20 ans, moustachu, le stoppe.

    • Tu veux quoi ? dit-il.
    • Il faut que je parle à Mama Kali. Je m’appelle Jeremy.
    • Bouge pas.

    L’homme fait volte-face et, une minute plus tard, la prostituée sénégalaise apparaît sur le seuil. Elle s’avance vers le garçon et le prend dans ses bras. Puis elle se recule pour le dévisager.

    • Tu es à la rue, maintenant ?
    • Oui, je passais pour voir s’il y avait moyen au squat ?
    • Je vais demander à Mustapha mais en attendant tu peux loger dans mon coin.
    • Mais c’est là que tu…
    • Les bons clients viennent baiser ici mais j’ai un paravent qui sépare avec la pièce où je vis.
    • Ça m’embête quand même.
    • Deux-trois jours, c’est pas long. Comme ça, tu sauras comment font les vrais hommes avec les femmes. Il faut qu’on s’occupe de Donna, les papiers, l’enterrement et toi tu ne peux pas apparaître, si ?
    • Tu as raison. J’ai un peu d’argent grâce au site donc je pourrai payer pour les frais d’enterrement mais il faudrait que quelqu’un signe les papiers à ma place comme si elle vivait seule.
    • Je m’occuperai des papiers et toi tu poses l’argent sur le compte de ton copain, là…
    • Mosquito.
    • Voilà. Je fais des poivrons, tu en veux ?
    • À 10 heures ?
    • Y’a pas d’heure. Tu as des affaires ?
    • Seulement mon ordi.

    Elle fait demi-tour, indiquant à Jeremy comment avancer dans les méandres du bâtiment. C’est une femme de 40 ans, cheveux courts, lèvres fines, vêtue à l’européenne et serrée dans un blouson en veau retourné. Elle est petite et plutôt rondelette.

    Le squat abrite une grande majorité d’Africains qui s’en sortent par la solidarité ethnique et le sens du collectif. Jeremy aperçoit dans un coin une jeune fille à moitié nue assise sur un matelas. Elle retouche son maquillage. Au-dessus de sa cheville, un jeu de clochettes tinte à chacun de ses gestes. Plus loin, une collègue de Mama est penchée sur une table basse et inspire des échantillons de parfum à 2 euros. On pourrait penser qu’elle se prépare pour le bal du gouverneur mais non, elle reprendra le tapin comme d’hab’dans le bas de la rue Doudeauville. Sur une chaîne invisible, Fela vitupère.

    Mama Kali et Jeremy contournent un campement incongru. Une Africaine teinte en blonde est allongée sur un matelas posé au sol. Elle porte une culotte à fleurs et sa jambe droite est comprimée dans un plâtre paraphé par ses copains de débine. À ses pieds, un enfant tapote sur un djembé en fermant les yeux.

    Mama vit au premier étage. Un escalier aux murs boursouflés d’humidité conduit à son territoire. Un freluquet, à fine moustache, patiente, affalé sur un bout de moquette rouge. Il est vêtu d’un costume gris pour sacrifier à l’hygiène hebdomadaire. Sa pigmentation légère indique un métis. La trentaine.

    • Tu as lavé popaul ? dit Mama.
    • Heu, oui. Qui c’est celui-là ?
    • Le fils de Donna, elle est morte dans l’incendie.
    • Mon Dieu, je suis désolé.
    • Allez, passe au salon, mon frère.

    Elle soulève un tissu ethnique et pousse le client dans l’espace voisin assorti d’un lit avec sommier. Avant de se glisser derrière lui, elle adresse un clin d’œil à Jeremy. Celui-ci prend place sur un siège de Clio fatigué puis extrait son Mac de sa housse. Depuis peu, il travaille sur le site de Mama Kali. L’architecture du site mais les textes également. Parler de sexe sans rentrer dans le vif du sujet n’est pas simple, surtout pour un jeune de 17 ans. Il a également quatre photos à sa disposition, retouchées sur Photoshop par un maître de l’amaigrissement numérique. Et la matinée passe comme ça. Jeremy tire la langue sur le site de Mama et la Sénégalaise fait gronder les baiseurs derrière son paravent chinois. Vers midi, un parfum de suyas déserte la cuisine du squat. Il se détourne des halètements masqués, va pour gagner la cuisine quand une alerte tinte sur son site.

    Vous n’avez pas posté You Got to Pay to Be Free.octopussy@gmail.com

    J’ai été occupé hier soir mais voici le scan. Dites-moi si vous êtes toujours intéressé.

    Cop ruins cellars / De Kalakuta / Women shout red words

    Cop ruins cellars / De Kalakuta / Women shout red words

    Children

    Children

    Children / swallow smoke

    Children

    Children

    Children / swallow smoke

    Children / swallow smoke

    Children / swallow smoke

    Children / swallow smoke

    Mud prisons / For peacekeepers / dey have to pay to walk

    Mud prisons / For peacekeepers / dey have to pay to walk

    Pay to breathe / Suffer to sing

    Pay to breathe / Suffer to sing

    Pay to breathe / Suffer to sing

    Pay to breathe / Suffer to sing

    like em flowing river

    Between de legs / Women dance

    like em flowing river

    Between de legs / Women dance

    Jeremy envoie son message et dissimule son Mac sous un coussin. Mama raccompagne son client extatique et revient vers le jeune homme.

    • Ça sent bon. On va manger un morceau ?
    • Merci, j’avais faim.

    Ils descendent à l’étage inférieur et moyennant 5 euros s’attablent dans une sorte de réfectoire. Deux Africaines servent les convives, proposant du riz wolof et des suyas de viande. Deux blancs d’origine portugaise survivent dans ce squat managé par les Africains. Mama explique rapidement à Jeremy que trois nationalités cohabitent ici : sénégalaise, nigériane et camerounaise. Le jeune homme lance la discussion sur les obsèques de Donna.

    • Tu veux qu’elle soit enterrée à Paris ? dit Mama.
    • Pourquoi ?
    • Parce qu’à Paris c’est plus cher qu’en banlieue et il y a moins de places.
    • D’accord pour la banlieue mais pas trop loin quand même.

    - Je vais demander à Pantin et Aubervilliers. Elle n’était pas croyante ?

    • Si, un peu mais j’ai pas envie d’une messe, c’est trop triste. On fait le truc au cimetière et basta.
    • Entendu. On se retrouve ce soir ici et tu dormiras sur le siège de voiture, j’ai des couvertures et des coussins.

    Jeremy repose assiette et couverts près de la cuisine de campagne et traverse le squat pour gagner la rue. Il passe devant deux hommes aux cheveux gris, concentrés sur des cigarettes de marijuana et les oreilles tendues vers une radio qui diffuse Water No GetEnemy.

    Il sort de l’immeuble et se fige devant un spectacle improbable à quelques mètres. Deux adolescents font la courte échelle à une fille rousse qui inscrit sur une façade d’immeuble Alleztous crever avec une bombe de peinture noire. Un peu plus loin, un homme avance au centre de la rue Stephenson. Il porte un pansement sur l’œil gauche et tient à la main un Glock qu’il balance négligemment. Jeremy hausse les épaules et gagne la cabine téléphonique la plus proche pour appeler Mosquito.

    • C’est moi. J’ai envoyé la page de Fela au gars intéressé par The Price. On devrait recevoir une commande rapidement.
    • Ça roule.
    • Mama Kali me dit de laisser de l’argent sur ton compte pour payer l’enterrement. Je vais te rendre 100 euros et tu garderas le fric de la commande d’octopussy, le client pour The Price. Tu fais quoi, ce soir ?
    • Je pensais draguer au Brady mais si tu as une meilleure idée, je suis partant.
    • Un bar à ping-pong, à Ménilmontant. 6 euros la demi-heure.
    • Parfait. Je vais t‘écraser.
    • Rêve, mon frère. Je te téléphone.
    • Tu pourrais t’acheter un portable, quand même.
    • Si un jour j’ai une merde, personne ne me trouvera. Avec un portable, tu te fais niquer en dix minutes. Bye.

    Jeremy s’éloigne de Saint-Bernard et gagne la rue Myrha. Un homme de 70 ans lave, avec un balai-brosse, une flaque de sang devant un commerce de poulets vivants et deux grosses filles patientent près d’un téléphone public. La plus inquiète tient en main un carnet où elle a noté un numéro d’urgence. Jeremy rattrape le boulevard et, malgré la pluie qui tombe depuis cinq minutes, décide de faire un saut à la gare du Nord. Il y connaît deux sans-papiers qui, comme lui, rasent les murs.

    À la gare du Nord, justement, Estelle sort des toilettes, maussade et désespérée. Elle en a marre de sucer des vieux pour 30 euros. C’est une fille de 16 ans qui a lâché le doux cocon familial pour échapper au Super Auchan que lui promettait sa mère. Elle est née dans la banlieue de Colmar. C’est une blonde de petite taille à la poitrine forte. Elle s’était pointée un samedi après-midi derrière les filles des caisses au supermarché et, pendant une heure, avait constaté la solitude de la caissière face aux abrutis qui râlent sur tout. Maintenant, elle vit dans un foyer catholique le soir et dans la journée elle zone à la gare. C’est un jeune homo, Rachid, qui l’a branchée sur l‘amour buccal. Elle survit donc mais ça lui pèse. Le client lambda, c’est le vieux cadre en avance pour le Thalys, direction Bruxelles. Ou Ostende. Le truc consiste à échapper aux 175 caméras mises en place par la SNCF. La RATP n’a pu en installer que 50 en sous-sol. Les vendeurs du journal des sans-abri passent devant les femmes immigrées qui mendient et les insultent au passage. Même ici, la notion de travail ramène sa science. Estelle plonge dans un resto de bouffe rapide et en ressort, un cheese bacon à la main. Elle s’assoit à même le sol, appuyée contre un distributeur de billets et regarde Annabelle, l’arrière-garde de la punkitude, qui affiche des boucles d’oreilles en or blanc. Ses cheveux sont ramenés à l’iroquoise sur son crâne et sa mini-jupe noire ne cache rien, ce qui semble convenir aux deux cents glandeurs égarés devant les voies. Deux filles en blouse blanche, employées par la SNCF, ont installé leurs fauteuils de massage à quelques mètres d’Estelle. Les voyageurs les contournent sans les voir. La jeune fille se décide, brosse les miettes de hamburger sur son blouson, et s’approche des masseuses.

    • Salut, je vous ai déjà vues dans la gare. Vous faites des massages gratuits ?
    • Oui, oui. Vous voulez essayer ?
    • Of course.

    Là-dessus, elle s’assied sur un fauteuil pendant que l’une des filles commence à lui palper la nuque. Elle redresse la tête et fixe la verrière, ces particules de verre agencées entre les arches métalliques la soûlent, le ciel gris apparaît au travers, le monde devient phosphorescent. Elle se transporte à Colmar, concentrée sur le gewurz que sa mère sifflait au petit-déjeuner et, brutalement, sa solitude lui serre le cœur. À cet instant, Jeremy pénètre dans la gare à côté du kiosque principal. Il plisse les yeux, s’évertuant à repérer ses copains SDF, deux homos roumains de 17 ans, mais ils ne sont pas sur le parvis. Il en voit d’autres, roumains eux aussi, lunettes Gucci sur le nez, leurs petits culs roulant sous des jeans hyper serrés. Un Black de 40 ans est ratatiné dans la cabine de photomaton. On l’appelle Jimi, à la gare. Il est anglais et Jeremy le consulte quand il s’interroge sur un texte de Fela. Un billet de 20 euros suffit parfois pour tordre le cou au prétérit. Jeremy écarte le rideau de la cabine.

    • Salut, Jimi.
    • Hé, comment ça va ?
    • Aujourd’hui, pas très bien. Ma mère est morte dans un incendie.
    • Rue de la Charbonnière, j’en ai entendu parler. J’avais la tête ailleurs, sorry. Comment tu vas faire ?
    • J’ai trouvé une place dans un squat. Avec Fela, j’ai de quoi survivre.
    • Tes potes se sont fait virer ce matin dans un ratissage aux toilettes.
    • Ratonnade.
    • Oui, ratonnade.
    • Ils ne reviendront pas, ils n’ont pas de papiers. C’est la fille de Colmar qui se fait masser près du quai ?
    • Oui, mais ça ne va pas durer longtemps cette connerie de massage.
    • C’est sûr. J’y vais, Jimi.

    Jeremy, se détourne du photomaton et s’approche des fauteuils. Le second siège est occupé par une africaine vêtue d’un pull en mohair bleu. Le jeune homme se campe à deux mètres d’Estelle. Derrière le fauteuil, une bimbo contemple un marin comme si c’était le bon dieu.

    • Un problème d’articulations ? dit Jeremy.
    • Salut, ami du Nigéria. Je n’ai mal nulle part mais c’est gratuit et, en plus, je peux réfléchir, dit Estelle.
    • Super.
    • J’ai un truc à te raconter.
    • OK, je t’attends.

    Ils s’installent autour de deux cafés posés sur une table ronde sans sièges. Jeremy a trop chaud et enlève sa parka militaire. Estelle se refait la bouche avec un tube de rouge orangé quand, à dix mètres, deux gamins asiatiques soufflent dans leurs chewing-gums et font jaillir des bulles roses.

    • Ça s’est passé hier. J’étais là comme on est aujourd’hui et un mec genre frappe de banlieue, mais bien sapé, m’accoste et me dit que monsieur Trauner voudrait me parler. Je dis que je ne veux parler à personne mais le gars insiste et dit que l’autre veut me faire une proposition et qu’il est attablé au café du Départ. Du coup, j’y suis allée.
    • Tu pensais à quoi ?
    • Un truc de cul.
    • Continue.
    • Le mec Trauner va sur la cinquantaine et il était en train de boire une vodka orange. J’ai pris une bière. Et là, il me dit qu’il veut faire passer en Angleterre de la drogue enveloppée dans des boulettes en plastique. Tu avales ça et quand tu arrives chez les rosbifs, ils te donnent un truc pour sortir l’ensemble par le…
    • Oui, j’ai compris.
    • Il dit qu’il faudrait qu’on soit deux car il a 42 doses.
    • C’est quoi, la drogue ?
    • De l’héroïne, c’est le jeune qui me l’a dit en me raccompagnant à la gare.
    • Pourquoi toi ?
    • Parce que tu peux te faire gauler à la douane et qu’il ne veut pas mettre une fortune dans le voyage. Le jeune, Dany, a dû zoner dans la gare pour trouver des fauchés pas trop cramés par la dope.
    • Il te propose combien ?
    • 10 000 euros.
    • Demande 30 000.
    • Tu le ferais avec moi ? J’aurais moins peur.
    • Je ne sais pas. Ma mère vient de mourir, je cherche un endroit pour pieuter et il y a aussi l’enterrement, c’est pas un moment super pour moi.
    • Merde, je ne savais pas pour ta mère. Tu dois être vachement triste, je peux te tailler une pipe pour te remonter le moral.
    • C’est gentil mais là, j’ai l’esprit ailleurs. Tu devrais laisser tomber les vioques de la gare, tu vaux mieux.
    • C’est pour ça que j’ai envie d’accepter la proposition de Trauner.
    • Écoute, on s’en reparle dans quelques jours, j’irai mieux.
    • Tu vends toujours les chansons ?
    • J’en fourgue deux par mois, ça me fait 360 euros. J’ai de quoi bouffer mais c’est pas la solution def. Je reviens ici samedi.

    Elle fait oui en opinant. Puis se lève et prend Jeremy dans ses bras et le berce durant quelques secondes. C’est une fille émotive, les larmes lui viennent aux yeux. Jeremy l’embrasse sur le front et tourne les talons.

    Rue Lépine, dans le garage face à l’immeuble squatté, deux ados contemplent un mécanicien penché sur une Ducati à l’esthétique nerveuse. Il est 19 heures et la nuit se resserre sur les voies en contrebas. Des lumières de signalisation percutent celles des trains de banlieue qui progressent, zébrant l’entrelacs métallique. On aperçoit, derrière les vitres, des travailleurs assoupis et d’autres sacrifiant à l’incontournable belote du retour. L’un des gosses peu requis par les motocyclettes italiennes rejoint Jeremy qui contemple le décor à travers le grillage. Aucun des deux ne parle, ils sont comme happés par le spectacle de la gare et des trains toujours dans la vie, toujours pointés vers le futur. Mama Kali sort du squat et s’approche à grands pas de Jeremy.

    • Aubervilliers, c’est pas possible et Pantin ne propose qu’une place mais dans le funérarium.
    • C’est quoi ?
    • Ça veut dire une crémation et ensuite une sorte de boîte qui est comme une petite tombe. Tu sais ce qu’en pensait Donna ?
    • On ne parlait pas de ça. Écoute, si on ne peut pas faire autrement, accepte Pantin. Il faut en terminer, j’ai le moral à zéro.
    • Je comprends. Je m’en occupe et je te tiens au parfum. Tu dors au squat ce soir ?
    • Oui, si tu es toujours d’accord. J’irai faire un ping-pong avec Mosquito avant de me coucher.
    • OK, la bouffe est à 20 heures.